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La leçon du scrutin moldave

La bataille fait rage et elle est loin d’être terminée. Elle a pour épicentre l’espace postsoviétique. En Moldavie, un scrutin décisif, dimanche 20 octobre, sur le choix de l’orientation géostratégique de cette ex-république de l’URSS, à la lisière de l’Ukraine et de la Roumanie, a donné un excellent exemple de l’âpreté du combat et des moyens mis en œuvre.
Les électeurs moldaves devaient à la fois élire leur président et se prononcer, par référendum, sur l’opportunité d’inscrire dans la Constitution l’objectif de l’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne (UE). Les sondages laissaient miroiter une confortable victoire du oui au référendum et une réélection dès le premier tour à la présidente actuelle, Maia Sandu, qui a fait de la voie européenne et de la lutte contre la corruption son principal combat.
Le résultat est très différent. Maia Sandu n’arrive en tête du premier tour qu’avec 42 % des voix et devra affronter au deuxième tour, le 3 novembre, un adversaire favorable au rapprochement avec Moscou, Alexandru Stoianoglo, qui a préféré faire campagne en russe plutôt qu’en roumain. Il profitera du report des voix d’une partie des nombreux candidats écartés au second tour. Quant au référendum, le oui ne l’emportait au petit matin que de quelques centaines de voix. On est loin du vote d’adhésion massif qu’espéraient la présidente et son équipe.
Pour le camp pro-européen, c’est une douche froide. Clairement déçue par les résultats, la présidente a accusé « des groupes criminels, de concert avec des forces étrangères hostiles aux intérêts nationaux » de la Moldavie d’avoir « attaqué le pays à coups de millions d’euros, de mensonges et de propagande ». Tous les observateurs étrangers ont constaté une forte intensification des activités de désinformation et de déstabilisation pendant la campagne et les opérations d’achat de votes ont été suffisamment documentées par des médias indépendants pour être prises au sérieux.
Ces résultats sont un avertissement pour la Géorgie, autre ex-république soviétique, située dans le Caucase, où se tiennent des élections législatives tout aussi importantes dans moins d’une semaine, samedi 26 octobre. Dimanche, les partisans de la voie européenne ont organisé des manifestations massives à travers le pays. A Tbilissi, place de la Liberté, la présidente, Salomé Zourabichvili, a assuré devant une foule agitant des drapeaux européens que la Géorgie rejoindrait l’UE en même temps que l’Ukraine. Mais elle sait parfaitement à quel point le vote du 26 octobre est incertain, tant l’enjeu est important pour Moscou qui, comme en Moldavie, maintient des troupes dans des régions séparatistes.
On ne peut pas accuser l’UE d’avoir ignoré le risque moldave. Dès l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, Bruxelles et plusieurs Etats membres – dont la France – se sont efforcés d’aider le gouvernement de Maia Sandu à faire face à la grave crise économique provoquée par le choc énergétique et l’afflux de réfugiés ukrainiens. Les négociations d’adhésion ont été ouvertes, comme avec l’Ukraine. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’y est rendue jeudi, une aide de 1,8 milliard d’euros a été annoncée. Mais trop lente dans sa mise en œuvre, l’aide européenne n’a eu ni la visibilité ni l’efficacité suffisantes pour contrecarrer l’ampleur des opérations russes. C’est une leçon à méditer, tant la bataille dans ces zones grises de l’Europe se révèle de plus en plus féroce. Moscou ne lâchera rien.
Le Monde

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